L'oeuvre de Jirō Taniguchi m'a été maintes fois recommandé et je dois avouer que dès la première lecture j'ai été envouté. Son superbe style, précis et poignant, de même que sa narration, concise et adroite—qui progresse toujours à un rythme très lent et quasi-contemplatif—en font un artiste incontournable et le plus zen des mangaka! Et ce sont précisement son art détaillé et ses récits profonds qui le rapproche beaucoup de la bande-dessinée Européenne (dont il reconnait l'influence) et c'est sans doute pour cela qu'il est plus populaire (énormément même) en Europe qu'en Amérique.
L'Homme de la Toundra [凍土の旅人 / Tōdo no Tabibito], publié en 2004, ne fait pas exception et est un superbe exemple du talent de Taniguchi. Toutefois, contrairement à ce que dit le texte de présentation de l'éditeur, ce recueil de six courts récits est un peu inégal dans son ensemble. Le theme général du recueil, d'un caractère très Japonais, est un sujet qui est très cher à l'auteur: le respect et la communion avec la nature. C'est particulièrement évident dans le dernier récit, “Retour à la mer.” Les trois premiers récits, quant à eux, traitent plus de la confrontation avec la nature sauvage et le combat pour la survie. Cependant, deux des récits du recueil se distinguent en s'attachant plus à une autre thématique très chère à l'auteur: il s'agit d'histoires touchantes, qui s'inscrivent dans le quotidien avec une sorte de nostalgie urbaine et semblent souvent autobiographiques. “Kaïyosé-Jima, l'île où accostent les coquillages” offre déjà un environnement plus humain. Suite au divorce de ses parents et à la maladie de sa mère, le jeune Takashi passe l'été chez son oncle, dans un petit village de pêcheurs. Grâce à Yae-chan, une orpheline recueillie par son oncle et qui lui apprend à nager, il oublit peu à peu le chagrin que l'absence de sa mère lui cause. Un jour qu'ils pêchaient des coquillages ensemble, une tempête pousse leur embarcation loin en mer et ils doivent passer une terrible nuit sur une petite ile. Dans “L'appartement Shōkarō,” l'histoire se déroule dans un environnement plus urbain, alors qu'un jeune mangaka est influencé par l'ambiance de son nouvel appartement, situé dans un ancien bordel. Je ne crois pas que ces deux récits rompent totalement avec la thématique de la nature, car ici Taniguchi semble nous dire que nous pouvons toujours communier avec notre environnement, qu'il soit naturel ou urbain.
L'Homme de la Toundra, par Jirō Taniguchi. Casterman (Coll. Sakka), 2006. B&W, 15 x 21 cm, 248 pgs. 11.50 € / $23.95 Can. Recommandé pour jeunes adultes (16+). ISBN: 9782203373846.
L'Homme de la Toundra © Jiro Taniguchi, 2005. © Casterman, 2006 pour la traduction française.
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