Pour avoir la moindre chance de réussir la mission impossible qu'on lui a confié, Natsume doit d'abord apprendre à connaître le milieu rural japonais et ensuite se faire accepter par les habitants locaux, qui sont plutôt désabusés et méfiants face au gouvernement. Il se lie d'abord d'amitié avec les villageois, tous des personnes agées (et principalement des vieilles dames), car la plupart des jeunes sont partis se trouver des emplois à la ville. Puis il gagne à sa cause Mlle Takashina, professeur d'anglais et championne de tir à l'arc qui a été muté au lycée un peu avant son arrivé. Mais il lui faut aussi convaincre ses étudiants de s'intéresser à l'agriculture... Il commence par obtenir le respect de Ryuichi Kokubu, un jeune rebel. Toutefois, acquérir la confiance de Kohei, le seul jeune à être resté au village, lui demandera de plus grand efforts.
Dans le deuxième volume, Natsume continue a être confronté au pessimisme de Kohei. Il se rend cependant compte que la clé du succès serait, d'une part, de faire connaitre les produits du village en faisant la promotion de leur qualité naturelle supérieure et, d'autre part, en attirant les gens de la ville au village en leur offrant des possibilités de ressourcement. Mlle Nanako, proche amie de Natsume et fille du chef de cabinet du ministre de la culture, vient le rejoindre à Takazono et, séduite par la place, décide de s'y installer. Pendant ce temps, Natsume reçoit une nouvelle mission impossible du ministère: faire la tournée du Japon pour trouver des examples d'agriculteurs qui ont réussi—mais la liste qu'on lui fournit a été créé de façon à s'assurer de son échec!
Dans le dernier tome, Natsume et Kohei passent une année à faire la tournée du Japon afin de rencontrer des agriculteurs et recueillir leur opinion. Au hasard de quelques détours pour aider des cultivateurs en difficultés, ils font des découvertes intéressantes. Au retour, ils trouvent un village transformé par les efforts de Nanako et Takashina: elles ont créé la “Maison de la Terre”, une petite boutique où elles vendent les produits du village. Natsume se rend à Tokyo pour proposer une réforme du système d'éducation, mais on lui révèle que depuis le début tout ce projet n'était en fait qu'une manoeuvre politique. Il présente donc ses recommendations directement au premier ministre: une nouvelle option “agriculture” dans les lycées, sorties hebdomadaires des classes de primaire et secondaire en milieu rural pour bonifier l'image de l'agriculture, financement accru pour les agriculteurs participants au project afin de réduire leur endettement et augmenter leur autonomie. Malheureusement, le premier ministre ne pense pas que cela soit politiquement possible... Natsume tentera donc de prouver que son plan est réalisable en le portant d'abord en miniature sur le village de Takazono.
Les fils de la terre [地の子 / Tsuchi no ko], a d'abord été publié par Shueisha en 2002-03 dans le magazine Oh Super Jump avant d'être compilé en volumes. Son créateur, Jinpachi Mōri [毛利 甚八], a travaillé comme scénariste sur plusieurs autres manga (dont Tajikarao, l'esprit de mon village (avec l'artiste Kanji Yoshikai, publié en français par Delcourt), Benkei in N.Y. (avec Jirō Taniguchi, publié en anglais par Viz Comics) et Kasai no hito (avec Osamu Uoto)) mais c'est cependant sont expertise juridique et agricole qui a profondement marquée Les fils de la terre en lui donnant un aspect documentaire. Les volumes 2 et 3 offrent d'ailleurs des extraits d'une série de portraits d'agriculteurs qu'il a publié dans le National Agricultural News sous le titre “Héritiers de la Terre.”
Les fils de la terre est un excellent manga. Son style relativement traditionel et simple (qui rappelle vaguement celui de Tsukasa Hojo, mais en plus dégagé) est visuellement très agréable. Son récit, fluide et bien rythmé, nous offre une histoire intelligente qui sait captiver et divertir, mais aussi qui nous renseigne beaucoup sur le milieu rural du Japon et les difficultés que connait son agriculture—des problèmes ne lui sont d'ailleurs pas spécifiques. C'est une thématique assez inhabituelle (et peut-être un peu controversée) pour un manga que de dire que le principal obstacle à la résolution de nos problèmes économiques est politique—alors que nos gouvernements succombent aux pressions de lobby industriels au détriment de notre bien-être—et que la solution est dans une économie plus locale, un mode de vie plus simple et moins matérialiste. C'est d'ailleurs un sujet assez actuel alors que les idées altermondialistes sont à la mode et qu'on parle beaucoup d'environnement, de développement durable, d'agriculture “bio”, d'efficacité énergétique ou de simplicité volontaire. Ce manga ne vous convaincra sûrement pas de faire un “retour à la terre” mais il vous ferra certainement prendre conscience d'une partie des problèmes de notre société consommatrice.
Les fils de la terre, par MORI Jinpachi (scénerio) & HATAJI Hideaki (dessin). Delcourt (Label Akata, Coll. Ginkgo), 2007-2008. 3 vols., n&b, 12.7 x 18 cm, 218 / 207 / 180 pgs. 7,50 € / $13.95 Can chacun. Recommandé pour adolescents (14+). ISBN: 978-2756005485 (Vol. 1), 978-2756005492 (Vol. 2) and 978-2756005508 (Vol. 3).
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