Thursday, April 15, 2010

Les lettres d'entente en question

Ces derniers temps on parle beaucoup de ces fameuses lettres d'entente et je suis sûr que beaucoup d'entre-vous, lecteurs et collègues des bibliothèques de Montréal, se demandent ce qu'elles sont vraiment et qu'ont-elles de si terrible?

Lorsque le Syndicat des Fonctionnaires Municipaux de Montréal (SFMM) signe une convention collective avec la ville de Montréal (la dernière en date a été signé en décembre 2007 et couvre la période de janvier 2007 à décembre 2010), il y a toujours des dispositions qui sont spécifiques à certains groupes d'employés qui ne peuvent y être incluses et ces dispositions spécifiques sont négociées séparément avec des lettres d'entente.

L'entente qui régit les dispositions spécifiques des employés de bibliothèques est l'entente EV 96-94 [texte], “relative aux étapes d'assignation des employés auxiliaires, emplois spécialisés “bibliothèque” au service de la culture.” Elle déterminait, entre autres, le fonctionnement de la banque réseau, les ports d'attache, l'embauche et le comblement des postes en fonction de l'anciennneté.

Cette entente a malheureusement été rendu caduque suite à la fusion/défusion qui a divisée la ville en arrondissements, la Charte de la ville donnant maintenant aux dits arrondissements le pouvoir d'embauche et de négociation des horaires de travail. Le SFMM a donc cru bon (?) d'inclure dans la convention collective 2007-2010 l'entente E.V. 2007-1007 (pp. 305-306) qui stipule que “l'entente EV-96-94 doit demeurer en vigueur jusqu'à son remplacement” et que, comme “le Syndicat tient à maintenir les principes en regard de la banque réseau inclus dans l'entente EV-96-94 (...), les parties conviennent d'entamer des négociations locales conjointes avec les arrondissements” du Sud-Ouest, Ville-Marie et VSMPE. Il s'agit ici des fameuses lettres d'entente.

Jusqu'à maintenant des lettres d'entente ont été signé avec cinq six arrondissements:
Les négociations sont en cours, ou même complétées, dans les autres arrondissements (Rivières-des-Prairies/Pointe-aux-Trembles [RDP/PAT], Plateau-Mont-Royal [PMR], Ahuntsic-Cartierville [AH-CA] et Cote-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce [CDN/NDG]) et il ne reste qu'à les faire entériner en assemblées sectorielles par le vote des membres du SFMM de chacun de ces arrondissements. Le vote pour Rivières-des-Prairies/Pointe-aux-Trembles aura lieu le lundi 19 avril à 9h30. Le prochain vote se fera dans Ahuntsic-Cartierville le lundi 3 mai à 9:00...

Maintenant, qu'est-ce qu'il y a dans ces ententes qui les rendent si inacceptables? A première vue pas grand chose mais, dès qu'on y applique la moindre analyse, on se rend compte de la monstruosité qu'elles représentent.

Premièrement, la façon dont ces lettres d'entente ont été négocié et entériné est une injure à la démocratie (parce que donner une apparence de démocratie est pire que de ne pas en avoir du tout):
  1. elles ont été négocié en catimini sans aucune consultation avec les membres du SFMM; 
  2. elles sont votées par arrondissement alors que nous sommes tous concerné et affecté par chacunes de ces ententes (par exemple: si quelqu'un travaille dans MHM mais que ce n'est pas son port d'attache, il n'avait pas le droit de voter sur l'entente de MHM, qui pourtant affecte ses conditions de travail); 
  3. elles sont votées sans que les membres aient pu en consulter le texte d'avance et en débattre.
Deuxièmement, elles incarnent l'aplatventrisme de l'équipe syndicale en place (les AccèsCible) face aux demandes du patronat.
D'une part, elles représentent l'abandon pure et simple du principe de mobilité-ville que l'on retrouvait dans la banque réseau, capitulant ainsi devant le pouvoir fragmenteur des arrondissements. Pourtant, dans l'entente E.V. 2007-1007, le syndicat avait clairement énoncé sa volonté de “maintenir les principes en regard de la banque réseau.” Et, il y a à peine trois semaines, la présidente du SFMM nous affirmait en assemblée générale qu'elle avait exprimé au DG de la ville le besoin de faire modifier la charte de la ville afin de redonner à la ville-centre les pouvoirs de conciliation et de coordination nécessaires pour appliquer avec succès les horaires flexibles et règler tout les problèmes liés à l'embauche—et que ce serait un enjeu majeur des prochaines négos! Cela semble d'une hypocrisie à faire vomir: ils disent cela et pourtant s'empressent de négocier avec les arrondissements des lettres d'entente qui, dans les faits, font exactement l'inverse!
D'autre part, les lettres d'entente abdiquent sans façon plusieurs droits acquis, ce qui entraine l'érosion inéluctable de nos conditions de travail:
  • la priorité est donné à la disponibilité, plutôt qu'à l'ancienneté, pour l'attribution des remplacements
  • les auxiliaires détenteurs de bloc égal ou supérieur à vingt-et-une heure/semaine se retrouvent cloisonné dans leur arrondissement port d'attache et ne peuvent postuler sur des blocs ailleurs
  • de nouvelles mesures punitives sont introduites (par exemple: on est retiré de la liste de disponibilité après trois refus (MHM: deux) ou si la disponibilité n'est pas respectée; le pire est dans l'entente de MHM: période d'essai de 840 heures ou 2 ans durant laquelle l'auxiliaire peut être congédié sans possibilité de grief ou d'arbitrage, si l'auxiliaire n'est pas rejoint après deux essais par téléphone [et ils nous disent de fermer nos cellulaires en bibliothèques!] il est considéré avoir refusé l'offre de bloc—qui n'est faite qu'une fois par année seulement, etc.)
  • les congés d'étude sont attribués uniquement pour des études liées au travail en bibliothèques
  • abandon de certains griefs...
Personnellement, je ne veux pas d'une lettre d'entente qui ouvre la porte à l'érosion de mes conditions de travail. Je considère que le travail du syndicat est de maintenir les-dites conditions comme elle sont et, tant que possible, de les améliorer. Quand je vois ce que l'équipe Accès-Cible a fait avec ces lettres d'entente, considérant que près de 2% de mon salaire hebdomadaire leur est payé pour justement faire ce travail, alors je me sens abandonné et trahis—purement et simplement. Aucune autre de ces ententes ne devrait être votée et on devrait renvoyé le syndicat à la table de négociation. Au lieu de dépenser de l'énergie sur ces lettres d'entente, pourquoi ne pas mettre nos effort à faire pression sur la ville et le gouvernement afin d'établir cette entité centrale qui aurait le pouvoir de coordination comme il a été mentioné à la dernière assemblée générale? Et si l'entente a déjà été signé dans votre arrondissement et que vous en subissez les conséquences malheureuses, ne désespérez pas car une entente ce n'est jamais fixé dans le béton: on peut toujours la renégocier...

Mais ne vous fiez pas seulement à mon opinion. Lisez les lettres d'entente (voir les liens plus haut) et voici quelques liens vers des publications de l'équipe du Colvert et des billets précédants qui vous permettrons sans doute d'en apprendre un peu plus sur les ententes:

Update (2010/04/19):

Mes contacts m'indiquent que la lettre d'entente de Rivière-des-Prairies/Pointe-aux-Trembles a été entériné ce matin par les auxiliaires des bibliothèques de l'arrondissement à raison de quatorze voix pour et deux contre (apparemment avec un très haut taux de participation, puisqu'on m'a dit qu'il n'y aurait eut que deux absents, ce qui représente une participation de 89% !). Les auxiliaires des bibliothèques de l'arrondissement auraient veinement tenté de demander à recevoir le texte de l'entente avant l'assemblée et d'avoir du temps pour en discuter entre collèques. L'assemblée sectorielle se serait déroulée comme les précédentes: les représentant du syndicat auraient rapidement lu le texte de l'entente, répondu (vaguement) à quelques questions et finalement auraient demandé le vote secret. Le texte de l'entente est également similaire aux ententes précédentes (et toujours tout aussi inacceptable).

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