“Aux sources du canon bouddhique !”
“Le bouddhisme est né il y a 2500 ans. Le texte le plus ancien et le plus proche de la doctrine d'origine de Bouddha qui soit parvenu jusqu'à nous est le sutta nipâta. Peut-on rendre avec des mots simples ce qui se disait aux sources de la doctrine, à l'époque où Bouddha prêchait aux gens ?”
“Vous voici présentées en manga une vie et une pensée emplies de la compassion et de sagesse d'un maître…”
“Pourquoi les gens se tourmentent-ils tant…?” [ Texte de la couverture arrière ]
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ATTENTION: Peut contenir des traces de “spoilers”! Les personnes allergiques à toutes discussions d'une intrigue avant d'en avoir elle-même prit connaissance sont vivement conseillé de prendre les précautions nécessaires pour leur sécurité et ne devraient poursuivre qu'avec circonspection.
Les mots de Bouddha (まんがで読破 ブッダのことば(スッタニパータ) / Manga de dokuha: budda no kotoba (sutta nipāta) / “Lire en manga: Les paroles de Bouddha (Sutta Nipata) ”) est le soixantième volume de la collection manga de dokuha publiés par East Press en mai 2010 (le #1112 du catalogue de l'éditeur). L'adaptation et le dessin ont été réalisé par le studio Variety Art Works, dont on connait très peu de chose. C'est le onzième titre de la collection a être traduit par Soleil Manga en avril 2013 dans sa collection “Classiques”. J'ai déjà introduit cette collection et commenté quelques uns de ses titres (L'Ancien et le Nouveau Testament de la Bible, À la recherche du temps perdu, Le Capital, Le rouge et le noir, Les misérables, Guerre et Paix, Le manifeste du Parti Communiste et L'interprétation des rêves). Cette collection reprend en traduction quelques titres de l'impressionnante collection japonaise Manga de Dokuha (comportant jusqu'à maintenant cent-cinquante titres!) publiée par East Press, qui se consacre à adapter en manga des classiques de la littérature pour les rendre accessible à un plus large publique.
La vie de Siddhartha Gautama, qui fut par la suite plutôt appellé « l’Éveillé » (i.e. bouddha), a été adapté en manga à plusieurs reprises: la version la plus complète est sans aucun doute La vie de Bouddha (voir mon commentaire sur la version anglaise) par Osamu Tezuka et la plus drôle probablement Les vacances de Jésus et Bouddha (voir commentaire) par Hikaru Nakamura. Toutefois dans ce cas-ci on ne peut pas vraiment parler de biographie puisque, comme tout les volumes de la collection “Classique”, il s'agit plutôt de l'adaptation d'une oeuvre littéraire. En effet Les mots de Bouddha nous introduit tant bien que mal au Sutta Nipāta (« choix d'instructions »), le plus ancien recueil de textes bouddhiques (probablement écrit au 3e siècle avant notre ère) contenant les enseignements de Bouddha sous leur forme la plus proche de l'originelle (il inclut entre autre les entretiens de Bouddha avec ses disciples). Ce recueil de sūtra appartient à la « collection mineure » (Khuddaka Nikāya) du Canon pâli qui regroupe les textes fondateurs du courant bouddhiste theravāda (« doctrine des Anciens »). [ci-contre: pg 108]
Le “Prologue” (pg 5) nous dit que “La religion propose de résoudre les diverses inquiétudes que nourrit l'être humain, ainsi que sa peur de la mort… en l'orientant vers une manière de vivre et d'être.” L'une des religions prédominantes en Asie est le bouddhisme, fondé par Siddhartha Gautama il y a 2500 ans. “Ayant mystérieusement rencontré les souffrances endurées par les être humains…” Bouddha “a atteint l'Éveil au terme d'une période d'austérité et de méditation. Les hommes ne peuvent vivre en échappant… à la souffrance ou l'anxiété. (…) Pourtant, en étudiant le chemin de la connaissance [la force qui permet de voir la vérité ultime dans toute sa clarté et d'atteindre l'illumination] et les paroles que nous a laissées Bouddha… on peut peut-être dissoudre ces souffrances.”
Un jeune moine fictif nommé Butsugaku nous servira de narrateur et nous guidera au travers les merveilleux enseignements et la sagesse de Bouddha. Dans la première partie, “Siddhartha Gautama” (pg 14), il nous introduit très brièvement à l'ancienne civilisation de la vallée de l'Indus, au Brahmanisme et au cycle des réincarnations (Saṃsāra) dont l'humain aspire à se libérer pour atteindre la paix de l'éternité (Nirvāṇa). Siddhartha Gautama est né vers le 5e siècle avant notre ère dans le royaume de Shākya. Prince héritier, il reçu une excellente éducation et eut une existence très protégée jusqu'à ce qu'il fasse les “quatre rencontres” (lors de promenades hors du palais il découvrit la vieillesse, la maladie, la mort et fit la rencontre d'un moine) et qu'il décide, à l'âge de 29 ans, de se faire moine ascète errant.
Dans la seconde partie, “Siddhartha, le moine errant” (pg 38), il va de villes en villes, priant et pratiquant. Il apprend des techniques de méditations auprès de plusieurs maîtres, puis passe six ans à méditer avec cinq compagnons pour élever son énergie spirituelle par des austérités et des mortifications extrêmes qui l'amenèrent au seuil de la mort. Un jour il accepte l'aumône d'un bol de riz au lait d'une passante et décide de suivre un nouveau chemin: la voie médiane, qui ne s'incline ni vers l'excès de plaisirs, ni vers les mortifications.
Dans la troisième partie, “L'Éveil et le bouddhisme” (pg 52), Siddhartha, alors âgé de 35 ans, continue seul sa quête de l'Éveil. Il décide de s'installer au pied d'un arbre et d'y méditer profondément jusqu'à ce qu'il obtienne l'illumination. Des démons lui apparaissent et tentent de le troubler par des illusions et des tentations mais il reste imperturbable et finalement atteint l'Éveil. Il continue à méditer en différents lieux, dans la sérénité, et après sept semaines Brahmā lui apparut et l'enjoins à expliquer aux gens les lois qui régissent l'illumination et à répandre son enseignement. Bouddha sa demanda comment expliquer une chose aussi difficile… Il décida d'abord de retrouver ses cinq anciens compagnons de méditation et de leur expliquer les lois et l'état d'esprit qui amène à l'illumination. Ils reçurent son enseignement (dharma) et devinrent des Arhat, puis formèrent une communauté (la sangla). C'est le début du bouddhisme…
Dans la quatrième partie, “En voyage pour prêcher” (pg 72), il part prêcher sur les routes en compagnie de ses cinq disciples. Il enseigne que l'être humain est composé de cinq agrégats: la forme corporelle, la sensation, la perception, les formations mentales (volonté, karma) et la conscience. L'humain vit avec quatre souffrances clés (naissance, vieillissement, maladie, mort) auxquelles s'ajoutent quatre douleurs dites “sociales” (séparation, haine, désir, déception de soi). L'élimination de ces souffrances passe par “les quatre nobles vérités”: l'acceptation de la souffrances, de ses origines variées, de la nécessité d'en éliminer les causes, de le faire par un chemin méthodique. La cessation de la souffrance passe par un comportement juste: le “noble sentier octuple” qui inclut la vision juste (comprendre la réalité), l'intention juste, parole juste (ne pas mentir ni médire), l'action juste (se comporter moralement en évitant le vol, le meurtre ou l'alcool), des moyens d'existences justes (travailler), l'effort juste, la prise de conscience juste et la méditation juste. Pour cela il faut éviter les obstacles que sont les flèches des souffrances (illusions, ignorance, orgueil, désir, et malveillance) et les cinq “voiles” ou empêchements égocentriques qui obscurcissent l'esprit (avidité, colère, paresse, agitation intérieure et doute). Seul celui qui a un comportement et des pratiques justes, qui s'efforce de renoncer à l'attachement qu'il a pour lui-même (l'impersonnalité ou le non-soi) ou pour autrui, qui s'applique à ses débarrasser des flèches de la souffrance et des cinq voiles et qui avance sereinement sans se détourner de la vérité peut devenir un homme saint.
Dans la cinquième partie, “Le développement de la communauté” (pg 99), on y voit la croissance de la communauté des disciples de Bouddha et quels étaient les principaux disciples. On y explique également les cinq préceptes du bouddhisme: ne pas tuer, voler, commettre d'adultère, mentir et boire de l'alcool. Aussi, Bouddha disait que “tout en ce monde est lié, en interdépendance. Chaque phénomène a une cause (…). L'origine des souffrances (vieillissement et mort inclus) est clairement l'ignorance, l'aveuglement. Il donne alors douze facteurs en relation les uns avec les autres, qu'on appelle “les douze liens”, expliquant l'enchevêtrement de ces souffrances.” Las vieillesse et la mort origine de la naissance, elle même liée au devenir, à l'attachement, au désir, aux sensations, aux contacts, à l'aveuglement, au karma, à la conscience, au nom et la forme, puis au six sens. “L'aveuglement (ou méconnaissance de ces lois universelles) est à l'origine des souffrances… (…) L'aveuglement dépose le voile de l'ignorance sur la réalité. Les désirs ou disons les “soifs” naissent de l'ignorance. Ces soifs sont les désirs fondamentaux de l'être humain (…) : le plaisir des possessions, l'attachement à la vie et le principe d'auto-annihilation.” Le bouddhisme moderne inclut également dans l'aveuglement les “trois poisons” : l'ignorance (et la stupidité) de laquelle naissent aussi l'avidité et la colère (et l'intolérance d'autrui). On élimine l'ignorance par une compréhension juste des choses, en se défaisant du soi, en développant une bonté sans limite et de l'amour pour tout les êtres vivants.
Dans la sixième partie, “Le vieillissement et la mort” (pg 129) et dans la septième partie, “La paix de l'esprit” (pg 143), Bouddha continue de prêcher. Dans la neuvième partie, “La mort de Bouddha” (pg 160), on raconte que lorsque Bouddha sentit qu'il s'affaiblissait et qu'il se rapprochait de sa mort, il partit pour un dernier voyage avec Ánanda, son cousin et l'un de ses plus ancien compagnons. À Kushinagar, il s'allongea sur le côté entre deux saules et mourut ainsi paisiblement à l'âge de quatre-vingt ans. L'emplacement de sa mort est considéré comme l'un des quatre lieux saints du bouddhisme avec le lieu de sa naissance (Lumbini), le lieu de son illumination (Bodhgaya) et le lieu de son premier sermon (Sarnath). Après la crémation de sa dépouille, ses restes furent divisés en huit urnes qui furent enterrées et l'on éleva des stūpa pour commémorer chacun des sites où reposaient les reliques. Cela semble avoir été confirmé en 1898 par la découverte à Piprahwa d'une telle urne reposant sous un stūpa (je me souviens d'avoir vu un intéressant reportage de Arte sur ce sujet, intitulé “Reliques du Bouddha”).
Le manga se conclu avec un “épilogue” (pg 180) qui fait la synthèse de la doctrine délivrée par Bouddha après son illumination et explique brièvement l'évolution du bouddhisme après sa mort. La communauté se scinda d'abord en deux grands groupes (Mahayana et Theravada), puis l'accumulation de formations sectaires dissidentes créa une vingtaine de mouvements différents qui finirent peu à peu par disparaitre, oubliés ou absorbés par l'hindouisme. La bouddhisme finit par quasiment disparaître d'Inde mais se répandit dans le reste de l'Asie, puis dans le monde entier.
Les mots de Bouddha est un manga fascinant. Le style graphique est plutôt bon, quoique extrêmement caricatural par moment mais assez bien dans l'ensemble. Le récit est fluide et compréhensible malgré que ce ne soit toute même qu'une grossière simplification. Considérant toute la difficulté de rendre un sujet aussi complex et abstrait il faut avouer que ce manga y réussi quand même pas trop mal.
Le manga nous offre une intéressante introduction, un bon point de départ, pour comprendre les préceptes à la fois simples et complexes du bouddhisme. Toutefois, malgré l'attrait que je ressens pour ces idées (qui sont similaires au fondement de la plupart des philosophies et religions) je ne crois pas que je ne puisse jamais y adhérer avec succès! Mais si l'on ignore l'illumination, c'est tout de même un bon guide pour aspirer à une existence meilleure, bâtie sur des principes de moralité, d'excellence et de poursuite de la connaissance et de l'amélioration de soi — principes qui correspondent déjà à mes convictions profondes.
Les mots de Bouddha est donc un manga plutôt intéressant et fortement recommandé à tous ceux qui s'intéresse le moindrement au bouddhisme.
Les mots de Bouddha, par “Bouddha”, adapté et illustré par Variety Art Works (traduction: Anne Mallevay). Toulon, Soleil Manga (Coll. Classiques), avril 2013. 12,8 x 18,2 x 1,50 cm, 192 pg., 6,99 € / $12.95 Can. ISBN: 978-2-30202-481-6. Lecture dans le sens occidental et recommandé pour jeunes adultes (14+).
Pour plus d'information vous pouvez consulter les sites suivants:
Manga de dokuha: Buddha no kotoba © Variety Art Works • East Press Co., Ltd. All rights reserved. Édition française © 2013 MC Productions.
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