Depuis mon plus jeune âge je me suis toujours penché sur le sujet des religions (et c'est sans doute pour ça que j'ai depuis un mal de dos chronique). Dès l'âge de sept ou huit ans, j'ai remis en question l'enseignement religieux reçu à l'école et j'étais réticent à aller à l'église. Toutefois, ce n'est que plus tard, dans l'adolescence, que je me suis vraiment intéressé à la philosophie des religions (sans vraiment savoir ce que c'était au départ).
Avant d'en venir à la conclusion que la religion est une question vide de sens produite par notre nature même d'être humain insécure -- mais que c'est toutefois un mal nécessaire et qu'il faut accepter et respecter l'opinion d’autrui tant que celui-ci respecte celle des autres et préserve la dignité humaine -- j'ai longtemps cherché une voie de remplacement.
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Je me suis bien sûr intéressé à toutes sortes de théorie farfelues. Il y a eut, entre autres, celle que je pourrais appeler "hydrogènisme" et qui vouait un culte à la molécule d'hydrogène car elle seule était présente à l'origine de l'univers et est véritablement omniprésente en nous et partout.
Il y a aussi toute la question du nombre d'or, connu dès l'antiquité comme la proportion d'Euclide mais qui fut mis en évidence au Moyen-Âge par Fibonacci et sa suite de nombre, qui laisse entrevoir une organisation exceptionnelle et inexpliquée de l'univers et suggère l'existence d'un Grand Architecte, créateur du cosmos. Si cela pouvait expliquer l'un des éléments dont la science avait le plus de difficulté à donner du sens (du moins pour l'instant), le big bang qui donna naissance à l'univers, j'étais prêt à en considérer la possibilité pour un moment d'autant plus que cela semblait exclure l'idée ridicule de l'existence d'une entité anthropomorphe intervenant sans cesse dans nos vies telles que le concevaient les religions gréco-romaine ou judéo-chrétienne.
De toute les religions, j'ai toujours eu un certain respect pour les cultes multimillénaires qui ont survécu jusqu'à nos jours (incluant à la rigueur certains aspects des religions judéo-chrétiennes, de l'hindouisme ou de l'Islam) mais surtout pour les croyances animistes (shintô, croyances amérindiennes, etc.). Et j'ai aussi voué un certain intérêt envers ces philosophies qui sont souvent élevées en pseudo-religion (particulièrement le bouddhisme). Toutefois j'abhorre les religions organisées (et encore plus les sectes) qui exploitent les masses et mettent trop d'emphase sur les démonstration ostentatoires (en annonçant leur couleur avec des objets décoratifs ou vestimentaires tel que pendantifs, chapeaux, costumes, coiffures, etc., ou s'adonnent à de complexes cérémonies).
Parmi la religion chrétienne, la plus tolérable est sans aucun doute le protestantisme (et ses multiples variantes) qui, par ses réformes constantes, s'est le mieux adapté au mode de vie moderne et demeure donc plus respectueux de l'individualisme (femmes ordonnées, acceptation de l'homosexualité, marriage des prêtres, etc.). Les plus odieuses des religions sont toutes les formes d'orthodoxies et de fondamentalismes, qu'elles soient évangélistes d'extrème droite, zélotes, talibans, hassidiques, etc. Toutes ces religions caractérisées par un dogme rigide qui gouvernent implacablement la vie des croyants dans tous ses aspects, leur refusant toute individualité.
Toute cette quête et cette analyse introspective ne pouvait aboutir que vers l'athéisme (la négation de toute foi) ou l'agnosticisme (l'indifférence ou même l'impossibilité de se prononcer sur l'existence ou non du divin). Prudent, j'ai généralement plus penché vers ce dernier, mais au début j'ai aussi beaucoup considéré le premier et cela m'a mené sur le chemin dangereux de l'intolérance.
En effet, comme beaucoup j'ai pensé “qu'il faut être bien idiot pour croire à toutes ces âneries, et bien faible pour nécessiter de telles béquilles morales ou intellectuelles”. Toutefois, une telle attitude, quand l'on raille sans cesse le croyant, tournant en dérision sa foi profonde dans le divin ou envers ses institutions (on rencontre beaucoup cette attitude navrante sur l'internet, sur Facebook entre autres, avec des pages comme Atheist EDU, Working class atheists ou The Proud Atheist), n'est certes pas la meilleure façon de se faire ou de conserver des amitiés. Il faut être prudent dans nos conversations publiques, car on ne sait jamais vraiment quelles sont les croyances profondes de nos interlocuteurs (j'avais la méchante habitude d'assumer que mes interlocuteurs, étant des gens que je considérais brillants, étaient soit athées ou agnostiques).
J'ai ainsi perdu plusieurs amis, chassé par le martèlement incessant de mon intolérance. J'ai peu à peu réalisé que cette attitude faisait de moi un méchant crétin, particulièrement quand un ami, que je respectais beaucoup, est devenu prêtre. J'ai donc appris à mettre de l'eau dans mon vin et à respecter l'opinion des autres. Ce n'est pas parce qu'on est en désaccord qu'il faut être désagréable et blessant. On a beau penser que leur position est ridicule, le mieux est de se taire. Bien sûr, souvent les religions ne se gêneront pas pour insensiblement imposer leurs opinions aux autres mais (et je dois sans doute cela à mon éducation catholique) je crois que si on s'abaisse à leur niveau on ne vaut pas plus qu'eux. Il faut toujours chercher à comprendre et à respecter l'autre.
J'en suis donc venu à développer ce que j'appelle les trois tenants du respect religieux: tu ne discutera que rarement de religion, tu respectera l'ultime commandement (“ne fait pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'ils te fassent”; en fait, ça résume les dix commandements) et tu n'exercera ton culte qu'en privé (le principe du caput-domus-templum: dans ta tête, dans ta maison et dans ton temple). Si tu respecte ça, tu n'embêtera probablement jamais personne. Toutefois, il ne faut jamais exclure une bonne et saine discussion (comme ici) et se laisser le droit à l'humour (mais attention certains groupes n'entendent pas à rire sur ce sujet).
Cela nous amène à la question de la séparation de la morale et de la religion. L'histoire des religions nous apprends et nous fait comprendre comment les religions sont nés et ont évolués. La croyance religieuse est avant tout une quête de sens, de savoir. Pourquoi moi? Pourquoi l'univers? Et toute la relation qu'il y a entre les deux. Un gouffre incommensurable, indicible, sépare ces deux espaces (le moi et le tout) et il doit être comblé d'une façon ou d'une autre par une explication rationnelle ou mystique, un mythe fondateur, un pont qui a pour seul but de rassurer notre psyché.
Si tel est le fondement de la religion, l'origine des préceptes religieux (doctrine ou dogme) est, quant à elle, beaucoup plus pragmatique. Elle émane de deux sources: l'une morale et l'autre utilitaire. Dans une société simple, où le savoir n'est pas accessible à tous, il est important d'établir des règles claires pour s'assurer de la sécurité, de la survie tant de l'individu que du groupe: des règles qui régissent la relation entre l'individu et son environnement (des règles d'hygiène par exemple: ne pas manger certains types de nourritures dans un climat chaud, manger d'une main et se torcher de l'autre, etc.) et des règles qui gouvernent les relations entre les membres du groupe (bonne conduite, moeurs, éthique, lois comme le décalogue ou le code d'Hammourabi ou la loi salique). Pour bien fonctionner, toute société, qu'elle soit religieuse ou séculaire, doit avoir un fondement morale qui est de nature philosophique. La morale religieuse découle nécessairement de la philosophie morale. Toutefois, les choses se sont compliquées le jour où le pouvoir politique a mis à contribution la morale pour des fins de contrôle (marquant souvent et étrangement le passage d'une société matriarcale à une société patriarcale). Et le dogme était né. Pour éviter les abus du pouvoir, il est important de conserver un séparation entre ce qui est strictement morale (l'État en quelque sorte) et la religion (l'Église).
C'est bien beau tout ça et on a beau rejeter l'irrationnel (et le bébé avec l'eau du bain parfois), on en vient toujours à croire en quelques choses au fonds de nous même. Que ce soit de petites superstitions, du spiritisme, le culte des ancêtres, ou qu'on se dise ”moi je ne crois qu'en l'Homme” (quelle erreur: l'Homme est une créature des plus bêtes et méchantes, qui ne mérite pas l'espace qu'il occupe sur cette planète) ou ”moi je ne crois qu'en la Science”, on croit quand même toujours en quelque chose. D'une façon un peu similaire au polythéisme agglutinant des romains (plus tard transposé dans le culte des saints), la tendance actuelle semble être au syncrétisme.
Je m'en suis déjà moqué, mais c'est une pratique courante et, ma foi, très justifiée. Les catholiques appelle ça de la religion de cafétéria, puisqu'on choisi et croit ce qui nous plait le plus soit à l'intérieur des préceptes chrétiens, soit dans l'ensemble des religions du Monde. Des fois, j'ai l'impression de pousser ce principe à l'extrême. Je crois un peu de tout (dans une nonchalance influencée par l'agnosticisme, avec une morale un peu catholique de gauche et plutôt bouddhiste, et une forte allégeance à la Science). Croyant un peu plus une chose le matin, un peu plus une autre le soir, selon mes humeurs.
La croyance au goût du jour ces derniers temps est ce que j'appelle “l'Athénæisme,” en référence à la déesse grecque Athéna (particulièrement Pallas Athéna, “déesse de la sagesse, protectrice des sciences et des arts”). Son temple est l'Athenæum. Le terme acquit un sens plus large avec une école établit par Hadrien vers 135 A.D. pour faire la promotion des études littéraires et scientifiques et qu'il nomma ainsi en l'honneur d'Athènes, ville grecque alors considérée comme le siège du raffinement intellectuel. Elle était composé d'un amphithéâtre (auditorium), pour les conférences, ainsi que d'une bibliothèque et devint la première université de Rome au IVe siècle. Depuis, le terme “athenæum” désigne toute institution consacré à la promotion du Savoir ou un édifice contenant une salle de lecture ou une bibliothèque. De nos jours le nom est utilisé pour de nombreuses publications académiques, des clubs ou des sociétés consacrés à la promotion du Savoir, des centres culturels, des bibliothèques, des musées, des théâtres, des écoles et même des hôtels.
Vous l'aurez sans doute deviné, il s'agit ici du culte du Savoir. Et la bibliothèque est son temple. Le temple du Savoir humain (je dirais même: du Savoir Universel, mais ce serait sans doute exagéré et attacherait à l'idée une aura de mysticisme non nécessaire). Bien sûr, chaque bibliothèque ne contient qu'une partie infime de ce Savoir, qu'une toute petite pièce du puzzle. Il appartient à chaque individu d'assembler le plus grand nombre possible de ces pièces. (Comme tout temple, la bibliothèque demande le respect. Respect des lieux, respect des autres. Mais aller donc expliquer ça à une troupe d'enfant turbulents qui n'y voit qu'une salle de jeu, pleine de papier inutile!)
Est-ce une philosophie? Est-ce une religion? Si on y attache un peu de mysticisme on peut voir le divin dans le Savoir mais ce n'est pas vraiment nécessaire. Il s'agit surtout d'une façon de voir le monde, d'une discipline de questionnement et d'une réflexion sur notre relation avec l'Univers. Chercher à comprendre ce que nous sommes, ce qu'est l'Univers et définir tout ce qu'il y a entre les deux. On peut aussi y ajouter une touche Dickienne, et se demander si l'Univers est réel ou si il est illusoire. Est-il multiple ou simple? (Mais là on tomberait un peu dans le Gnosticisme...)
Tout cela peut paraitre compliqué mais en fait c'est très simple: cette philosophie (ou religion) n'a que deux règles: l'Ultime Commandement (mentionné plus haut) et le devoir de sans cesse s'améliorer, se perfectionner. Approfondir la connaissance de soi et surtout la connaissance de l'Autre. Car l'ignorance est la mère de tout les maux (comme le disait si bien Rabelais).
Ainsi s'achève cette réflexion pascale.
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